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Perdre le 1er set 6/0 : est-ce terminé ?

Circuit ATP – matchs en 2 sets gagnants – de 2000 à 2024


Dans le tennis professionnel masculin, et plus particulièrement lors des rencontres disputées au meilleur des 3 manches, le score du 1er set constitue un indicateur fort de la dynamique du match et conditionne son issue possible.

À cet égard, le score de 6/0 constitue une configuration extrême, tant par son écart de performance que par son impact symbolique.

On peut donc se demander si le joueur qui encaisse une bulle d’entrée de jeu a encore une chance de gagner le match.

Cette étude s’appuie sur les données statistiques réelles de plus de 50 000 matchs ATP entre 2000 et 2024 afin de décrypter l’impact d’une telle entame sur la conclusion du match.

Le contexte et l’impact psychologique

Perdre une manche 6/0 est souvent ressenti comme une humiliation, d’autant plus si cela arrive au début du match.

En plus d’être le score le plus déséquilibré possible, le 6/0 est statistiquement marginal.

Il ne survient que dans 2,2 % des premiers sets — soit quatre fois moins fréquemment que le 6/1 (8,4 %), deuxième score le moins représenté. Il traduit le plus souvent un déséquilibre fort entre les protagonistes.

Cette rareté accentue son côté symbolique : il y a une domination extrême, parfois brutale voir violente.

L’impact psychologique est tel que certains, découragés et voulant que le cauchemar s’arrête rapidement, préfèrent jeter l’éponge, en témoigne le nombre d’abandons en fonction du score.

Le 6/0 est associé à un taux d’abandon de 5,5 %, soit un taux plus de deux fois supérieur à la moyenne observée sur les autres configurations.

Ce phénomène peut avoir plusieurs explications :

. Un effet psychologique dissuasif, avec découragement ou rupture mentale.

. Une composante médicale ou physique plausible (douleur, gêne, usure), incitant à stopper la rencontre lorsque le retard initial paraît irrattrapable.

Les différents scénarios

Lorsqu’un match initié par un 6/0 se poursuit sans abandon et va à son terme, trois possibilités existent :

. Une défaite en 2 sets : lorsqu’un joueur encaisse ce score d’entrée, on imagine volontiers un naufrage en deux sets. Dans près de 75 % du temps, la domination entrevue dans le 1er set se poursuit et le match se termine rapidement.

. Une défaite en 3 sets : un sursaut d’orgueil, une résilience, un regain d’énergie, etc. Le joueur se bat, arrache le deuxième set… mais il finit par céder. Malgré la révolte, la perte sèche du 1er set n’a pu être remontée complètement. C’est ce qui arrive dans près de 15 % des cas.

. Une victoire en 3 sets, la fameuse « remontada » : on pourrait croire que perdre 6/0 condamne systématiquement mais les chiffres présentent une réalité plus nuancée. Certains joueurs, malgré une entrée de match catastrophique, savent s’adapter, rester calmes ou profiter d’un relâchement de l’adversaire. Ainsi, près de 10 % des matchs se terminent par la victoire du joueur qui a encaissé le 6/0 dans le 1er set.

Une remontée victorieuse après avoir encaisser une bulle reste donc minoritaire (1 cas sur 10), mais non négligeable.

L’importance relative du score

La dynamique d’échec initial ne s’avère pas totalement irréversible : une capacité d’adaptation, de résilience ou un relâchement adverse peuvent en inverser la tendance.

La fréquence de victoire après avoir perdu le 1er set varie sensiblement en fonction du score.

Cette corrélation négative entre sévérité du score du set initial et statistique de victoire est attendue, mais elle est moins abrupte qu’on ne pourrait le croire. Ainsi, un joueur ayant perdu 6/0 gagne finalement le match dans 10,46 % des cas, contre 22,98 % après un 7/6 (score le plus serré et avec la statistique de victoire la plus forte). Le rapport est de 1 à 2, ce qui suggère que, malgré le fort impact psychologique, les différences avec les autres scores ne sont pas aussi abyssales que l’on pourrait le penser. 

Cet écart relatif entre les différents scores s’exprime d’ailleurs de manière plus évidente si l’on s’intéresse aux matchs allant au 3e set (défaite en 3 sets ou victoire en 3 sets).

Un match sur quatre entamé par un 6/0 se joue en 3 sets, soit une proportion certes inférieure aux scénarios plus serrés, mais qui ne traduit pas une rupture radicale : le joueur est en capacité de se révolter et de remporter le 2e set.

La différence avec les autres scores est existante, mais limitée :  

. il y a à peine 4 points d’écart (26 % vs 30 %) entre le 6/0 et le 6/2,

. et 8 points d’écart (26 % vs 34 %) avec le 7/5, score qui représente un set serré et accroché.


Perdre le premier set 6/0 constitue un handicap initial fort, souvent amplifié par un fort effet psychologique. On a l’impression d’un match déjà plié, d’un gouffre impossible à combler.

Toutefois, les données montrent que cette situation n’est pas irréversible et ne constitue en rien une fatalité : statistiquement, ¼ des joueurs parviennent à inverser la dynamique et à remporter le 2e set. Il y a même 10 % des joueurs qui parviennent à gagner le match !

La résilience tactique et mentale peut s’opposer à une dynamique de domination initiale.

Ces éléments doivent encourager à nuancer l’interprétation d’un score brutal en début de match : le tennis reste un sport d’opportunités et d’adaptation, peu importe le score du 1er set.

D’ailleurs, il y a 3 fois plus de remontadas après la perte du 1er set 6/0 que de match se terminant sur le score de 6/0 6/0.

C’est dur, ça fait mal, mais perdre le 1er set 6/0 n’est pas rédhibitoire.